Nord-Kivu : le combat silencieux du général resté debout

Depuis la chute de Goma fin janvier, la capitale provinciale du Nord-Kivu, le gouverneur militaire Évariste Somo Kakule dirige une province en guerre… à distance. Installé à Beni, ville encore sous contrôle de l’État, ce haut gradé assume la direction d’un territoire amputé, en plein chaos sécuritaire, mais où l’administration tente coûte que coûte de tenir.

Nommé le 29 janvier 2025, quelques jours après la mort du général Peter Cirimwami tué dans l’assaut du M23 sur Goma, Évariste Somo Kakule est un militaire chevronné. Originaire de Goma, ayant grandi à Bukavu, il connaît intimement les réalités du Kivu.

« Je n’ai pas de problème avec les Rwandais. On pouvait aller jouer au Rwanda le matin et rentrer au Congo le soir », confie-t-il à Jeune Afrique, illustrant une époque révolue de libre circulation et de cohabitation régionale.

Un parcours au cœur de l’armée

Avant sa nomination au Nord-Kivu, Évariste Somo Kakule a occupé plusieurs postes stratégiques dans l’armée congolaise : commandant en second dans la région militaire du Katanga, puis du secteur opérationnel du Nord-Équateur. Il est également le fondateur de la 31e Brigade d’intervention rapide, une unité implantée à Kindu et créée avec l’appui de la Belgique et de l’Union européenne.

Ce profil opérationnel, mêlant formation classique et expérience de terrain, en fait un homme rompu aux situations de crise. À Beni, il tente de transférer ces compétences dans la gestion civile d’une province partiellement occupée, minée par la guerre et l’exode des populations.

Une administration à reconstruire

L’une des priorités du gouverneur est de restaurer un semblant d’administration, malgré l’éloignement de Goma. « Les partenaires qui nous regardent de loin pensent que la province n’existe plus depuis que l’aéroport de Goma est tombé. Mais nous sommes toujours là », insiste-t-il.

Depuis Beni, où il a installé son quartier général, il coordonne les efforts pour relancer les services de base, rétablir la chaîne de commandement civil et organiser l’acheminement de l’aide humanitaire. L’agrandissement de l’aérodrome de Beni-Mavivi, évoqué dans l’interview, illustre cette volonté de garder la province connectée au reste du pays.

Une posture résiliente

Confronté à l’effondrement partiel de l’autorité de l’État, Évariste Somo Kakule semble s’accrocher à une ligne claire : résister, reconstruire, et maintenir l’espoir. À Jeune Afrique, il confie : « Ce n’est pas un repli, mais un temps mort. »

Dans un climat aussi tendu, la stabilité de Beni est essentielle. C’est désormais cette ville qui accueille les structures opérationnelles de la province, les réunions de crise, et les décisions administratives. Une configuration exceptionnelle dans l’histoire récente du Nord-Kivu.

Le poids de l’Histoire

Rien ne garantit que cette gouvernance délocalisée pourra durer. Mais pour l’heure, elle constitue une réponse d’urgence dans un contexte de guerre. Le général Kakule le sait : ce rôle ne sera jugé qu’à l’aune de la résilience de la province et de la capacité des institutions à survivre malgré la guerre.

Derrière l’homme en uniforme, il y a un visage familier aux populations du Kivu, une figure militaire dont le destin croise désormais celui d’une province à bout de souffle. C’est depuis Beni, à plus de 350 km de Goma, qu’il s’efforce de tenir la barre.

Justin Mupanya, correspondant à Beni

Loading

LIRE AUSSI

Urgence humanitaire à Djugu : la société civile plaide pour l’accès à l’eau potable dans les villages de Bula et Iya

Loading

Beni : des habitants s’opposent à l’exploitation pétrolière dans le Graben Albertin

Loading

Tensions diplomatiques : les Wazalendo dénoncent les propos du chef d’état-major ougandais

Loading

Identification des ministres des cultes : le gouvernement accorde un nouveau délai de deux mois

Loading

Fungurume : des voleurs de véhicule piégés en pleine tentative de revente

Loading

RDC : Trois fronts, une guerre – Les défis sécuritaires au Nord-Kivu

Loading

Est de la RDC : des graves violations des droits humains commis entre mai et juin 2025

Loading

Walikale : un militaire ivre ouvre le feu sur ses collègues à Mungazi — deux morts et neuf blessés

Loading

Lac Édouard : entre pillage halieutique et menaces pétrolières, Badilika tire la sonnette d’alarme

Loading